Pourquoi “Chambéry Fraise” ?

Le fameux comptoir de Chez Lydie dont, ayant la fermeture du samedi soir j’ai été des ultimes clients puisque Isabelle la nouvelle gérante la remplacer le lendemain. (photos: Gilles Garofolin)

Dans le monde des sound systems du Reggae et du Dancehall, « Natural Mystic » de Bob Marley est surnommé « The Silencer » car le public est toujours silencieux lorsque le “Selecta” joue ce morceau.

D’une manière similaire et à un degré ô combien moindre, « Diabolo Menthe » la chanson d’Yves Simon me fait le même effet avec en plus une petite larme intérieure qui me transporte à l’orée des années quatre-vingt dans les bistrots proches du Lycée Vaugelas où je buvais des cafés à un franc quatre vingt dix.

Nouveau lycéen et donc nouveau chambérien en cette année 1980 , au lieu de faire mes devoirs en salle d’étude entre midi et quatorze heures, je privilégiais l’exploration des cafés environnant le lycée Vaugelas comme le Palais, le BM, la Pomme ou le Caveau y découvrant une liberté nouvelle, un nouveau chapitre de ma vie. Je commençai la vie urbaine, je commençai ma vie chambérienne.

Donc pourquoi le nom de Chambéry Fraise pour ce blog ? Certainement peut être que comme pour le morceau touchant d’Yves Simon, Chambéry Fraise évoque à travers une boisson en l’occurrence un apéritif, un passé nostalgique avec une pointe d’amertume mélancolique que je revisite avec grand plaisir dans ces petites confessions qui me permettent de voyager à travers le temps et l’espace de mon bureau londonien quelques décennies après les faits..

Ce n’est que très tardivement pourtant dans ma vie chambérienne que je découvris cette expression quasi “oxymoronique” en tant que nom d’un café actif Rue des Nonnes dans les vingt quatre-vingt-dix. Pour être franc, je crois n’avoir fréquenté l’endroit qu’une seule fois, y rejoignant Françoise une belle croqueuse d’homme de l’époque dont j’appréciais la parfois vénéneuse compagnie.

Cette pizzeria de la Rue Des Nonnes était dans les années 90 un bar ,Le Chambery Fraise

Le tenancier était un ancien gérant du Cafe Folliet dont je me souviens surtout de la moustache bien gauloise. Le quidam ne s’étant jamais montré chaleureux à mon égard, je peux néanmoins aujourd’hui le remercier car c’est probablement lui qui en baptisant ainsi ce qui est maintenant une pizzeria (si je m’en fie à google Maps) m’a inspiré le nom de ce blog.

Si “Chambéry Fraise” m’intrigua de suite, il fallut une démonstration efficace et magistrale de l’indiscutable reine des bistrots chambériens, Lydie Gotteland pour finir de me séduire.

En effet, un après-midi, planté à son fameux zinc, zinc dont d’ailleurs j’allais être un des ultimes utilisateurs (objet d’une autre histoire), j’évoquai à Notre-Dame des Cafetiéres, Sainte Lydie le nom du nouveau “boui-boui” de la Rue des Nonnes.

Elle me révéla que “Chambéry Fraise” était en fait le nom d’un apéritif plus connu par les générations précédentes et qu’elle servait très rarement à la demande.

Sa clientèle comptait des habitués pittoresques comme Choupette, Pépito, ou encore un autre monsieur assez sec dont j’ai le vague souvenir qu’il se faisait systématiquement servir simultanément un verre de chocolat chaud et un verre de vin rouge.

Lydie avec Isabelle qui lui a succédé (photos: Gilles Garofolin)

Lydie s’empara d’une magnifique bonbonne métallique à eau de Seltz que j’avais toujours admirée mais que je n’avais encore jamais vue en action. Elle y pulvérisa le contenu avec un magnifique “pschitt” dans un petit verre mignon comme tout où elle y avait versé du Vermouth et du sirop de fraise. Elle venait de concocter devant mes yeux impressionnés par un tel procédé alchimique le fameux apéritif dont je m’empare aujourd’hui du nom sans aucune vergogne.

En toute sincérité, la boisson n’avait rien de renversant n’étant pas un grand amateur de Suze. Par contre, la méthode pour le concocter avait pour moi une mystique qui me faisait côtoyer soudain les fantômes de fameuses gouapes chambériennes légendaires. Je me renvoyais ainsi du haut de mes dix ans grands maximums derrière le comptoir rouge du café-restaurant que mon tonton Dédé Thievenaz et Tantan Annie tenait au milieu de l’Avenue du Comte-Vert, à observer les“Dédé Bovagnet” et autres “Fanfan” aux faces bien rosacées.

Au début des années 70 des coulisses de Chez Dédé Thiévenaz,Avenue du Comte Vert, exactement de cet angle. j’observais les clients de mon oncle.

Aujourd’hui, si je m’aventure à savourer un “chambery fraise” à une terrase chambérienne, je sais que je devrais me préparer à une longue dissertation explicative pour éduquer le serveur malchanceux à qui j’aurais commandé à boire. Dans le meilleur des cas, on vous proposera une boisson basée sur les mêmes ingrédients au nom de Chambérizette produit commercialisé par les Sirop Dolin.

En crédit photo, il faut remercier Gilles Garofolin qui a publié “Chez Lydie” un album de photos prises ds notre bistrot favori disponible ici.

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